Il ne connaît pas les transports en commun, et espère ne jamais avoir à les prendre
Le rendez-vous était donné à 14h, mais Jean-François est arrivé une demie-heure plus tôt. Certainement pour s’assurer une place en tête de cortège. À 65 ans, le scootériste se sent plus que concerné par les annonces de la Mairie de Paris. Toujours en activité, le résident d’Alfortville utilise son Yamaha XMax chaque jour pour rejoindre la capitale. Une habitude dont il devra se défaire si le stationnement des deux-roues motorisés devient payant, faute de moyens. S’il admet payer le parking lorsqu’il utilise sa voiture (hors de Paris), l’idée lui paraît grotesque en ce qui concerne les 2RM : « Tant qu’à faire, faisons aussi payer les trottinettes et les vélos ! » Natif de la région parisienne, il ne connaît pas les transports en commun et espère ne jamais avoir à les prendre… Et pourtant, ils seraient sa seule alternative si le projet passait.
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« Et si l’idée se propageait hors de la capitale ? »
Parmi la pléiade d’immatriculations en 77, 95, 93 ou encore 75, la plaque de Guillaume affiche 51. Au guidon de sa Kawasaki ER 6N, le motard de 32 ans a rejoint Paris depuis Reims, à l’occasion d’une balade de deux heures. Depuis 5 ans, il délaisse volontiers sa voiture pour s’offrir quelques moments d’évasion à moto. Convaincu par les avantages de ce moyen de transport, il s’est même engagé auprès de la FFMC 59 (Nord) pour défendre les droits des motards. « Le parking payant pour les 2RM, c’est encore une façon de se faire de l’argent sur les motards ! » exprime-t-il. S’il manifeste dans la capitale, c’est parce qu’il voudrait que les Parisiens n’aient pas à subir cette injustice, et que « le concept ne se propage pas ailleurs à terme ».
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Se garer à l’extérieur du périph’ et prendre les transports en commun…
À 65 ans, Antoine se remémore volontiers la cinquantaine d’années passée au guidon de ses différentes machines. Maintenant retraité, il profite de sa Harley-Davidson le soir ou le week-end, bien souvent pour s’offrir du bon temps sur Paris. Pour cet ancien militaire de carrière, la moto est une liberté, qui, de surcroît, ne présente que peu de contraintes pour la collectivité. Elle pollue moins grâce, notamment, à ses temps de trajets raccourcis, est facile à garer et permet de gagner de la place en condition de circulation. Résident de Seine-et-Marne, il considère que « Paris, ça se fait à moto. La voiture, c’est plus possible maintenant, le réseau est trop saturé. » Si le stationnement devient payant, Antoine sera contraint de se garer à l’extérieur du périph’ et de prendre les transports en commun s’il veut se déplacer dans la capitale. Et il assure que cette réponse n’est pas de la provoc’, mais bien le choix le plus viable pour son porte-monnaie.
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La moto pour la cité
La vingtaine passée, Cassie se hâte de « passer sur une plus grande » dès lors qu’elle aura les fonds nécessaires. Depuis quatre ans, c’est sa « petite » Suzuki Van Van 125 qui l’amène à bon port, un peu partout dans la capitale. « La moto, c’est le choix le plus utile et le plus simple pour se garer et circuler dans Paris. L’espace est clairement optimisé. » Partant de ce constat, la Parisienne a fait de sa fidèle compagne son seul moyen de locomotion pour les trajets « boulot + loisirs ». Ajoutez à cela la saturation du trafic routier avec les voitures et une contre-indication vitale à prendre les transports en commun en temps de Covid-19, et vous suivrez probablement le même chemin. Le vélo, la résidente de La Garenne-Colombes y a bien réfléchi quelques fois (en plus il paraît que c’est tendance) : « Pour aller à La Défense, pourquoi pas, mais Bastille ou Nation… il y a de sacrées côtes ! ». Militante de la FFMC-PPC depuis mai 2019, elle regrette que la moto soit aussi stigmatisée dans la capitale. À l’image de sa machine classée Crit’Air 3, et ne consommant pourtant que 3 à 4 l/100… D’après le calendrier prévisionnel de la mairie de Paris, le petit Van Van n’aura plus droit de cité en 2022.
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Critère d’embauche : la mobilité. Elle l’a trouvée avec la moto.
Brodeuse de profession, Camille, 29 ans, enchaîne les contrats d’intérim. Habitante de Villejuif, elle réalise la plupart de ses missions dans des maisons de couture parisiennes. Lors de ses entretiens en agence, un prérequis revient perpétuellement : la mobilité. Selon elle, c’est la moto qui la représente le mieux. Accompagnée de sa Honda CB 600 F depuis un an, elle a goûté aux avantages de la moto  : gain de temps, gain d’argent et impact plus modéré sur les émissions de gaz à effet de serre. Faire payer le stationnement des 2RM l’a contraindrait à utiliser les transports en commun, et ça « c’est hors de question ! Il faudrait que je prenne la ligne 7, constamment engorgée ou en retard. » En plus de déplorer « le danger que représentent certaines pistes cyclables pour les autres usagers et le piteux état des voies de circulation », Camille constate que plusieurs villes mènent des politiques bien moins sévères envers les 2RM. À l’instar de Madrid, qui autorise les deux-roues à emprunter les voies de bus pour fluidifier le trafic. « En voilà une, de bonne idée ! ».
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Vélo-boulot-dodo et rock’n’roll !
Sur sa BMW de collection, Olivier en jette ! Des piercings en cascade, quelques bagues bien visibles, une chaîne accrochée au jean, une paire de Rayban sur le nez et une chemise à la Guns N’Roses entrouverte… À quelques indices près, on lui reconnaît un style bien rock’n’roll. À 58 ans, le barman n’a pas décroché des soirées mob-musique de ses 14 ans. Sauf, de sa mob, parfois. Installé dans le 15e arrondissement de Paris, c’est à vélo qu’il va servir sur le Quai de Gesvres. Sans voiture, il subit les limites du pédalier et s’offre volontiers quelques moments d’évasion au guidon de son flat-twin en soirée et le week-end. En tant que motard, il déplore le manque de considération de la part des élus, censés consulter les principaux intéressés avant chaque prise de décision. Peu adepte du « Paris 100% vélo », il craint que cela ne se gâte avec le stationnement payant des 2RM…
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Photos : Chloé Gaillard

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