Après Paris, c’est au tour de la métropole du Grand Paris d’appliquer des restrictions de circulation. La décision a été votée le 12 novembre 2018 d’interdire les véhicules Crit’air 5 et les non classés sur les 79 communes à l’intérieur de l’A86. Au 1er juillet 2019, les motos antérieures au 1er juin 2000 et les diesels immatriculés avant le 1er janvier 2001 ne pourront donc plus circuler dans ce périmètre rebaptisé ZFE pour Zone à Faibles Émissions. Un peu plus de 100 000 véhicules seraient impactés par cette décision. Charge à leurs propriétaires de trouver des moyens alternatifs pour aller au travail ou déposer les enfants. Une mesure éminemment antisociale comme l’a rappelé le coordinateur de la FFMC Paris, Jean-Marc Belotti, au micro sur la vaste esplanade du château de Vincennes où 400 motards sont venus contester cette mesure malgré le froid polaire : « Les gens sont actuellement dans la rue avec leur gilet jaune parce qu’ils ont du mal à boucler leur fin de mois et on va leur imposer de renouveler leur véhicule. Pouvait-on choisir plus mauvais timing à l’heure où la question du pouvoir d’achat est au cœur de tous les débats ? ».

400 motards
Fred est en effet abasourdi par le non-sens de cette décision. Il est venu de Cergy au guidon de son CBR 1000 Fireblade sur la bulle duquel il a collé un énorme macaron RIC pour Referendum d’Initiative Citoyenne. Cette revendication, portée par les gilets jaunes, dont Fred a recouvert son habit de père Noël, voudrait que les citoyens puissent faire une proposition de loi et qu’elle soit débattue par l’Assemblée nationale sous réserve de réunir 700 000 signatures. Le jeune père de famille qui cumule deux emplois - maître-nageur et prof d’aquagym en autoentrepreneur – partage les préoccupations des gilets jaunes qu’il rejoint régulièrement à Éragny/Oise. « L’ambiance est bon enfant, on nous amène régulièrement à manger. Ça n’a rien à voir avec les images de casseurs qu’on a pu voir à la télé. » Il va travailler au volant d’un diesel et s’inquiète qu’il puisse devenir invendable et inutilisable sous peu. Pourtant le jeune homme n’est pas sectaire et envisagerait sans peine de passer à la moto électrique si celle-ci « était réellement écologique. Aujourd’hui on sait que l’extraction des métaux rares n’est pas un business très propre et on ignore toujours quoi faire des batteries usagées. Où est l’écologie dans tout ça ? »

Solidarité
Parmi les 400 motards qui attendent tranquillement le départ de la manifestation, beaucoup roulent sur des motos récentes qui ne seront pas impactées – dans un premier temps – par les interdictions de circulation. Ils ont quand même souhaité se déplacer comme Shino par exemple sur son Motrac de 2016 : « Même si je ne suis pas personnellement concerné, je voulais être là par solidarité avec les motards à commencer par mon père et ma mère qui, tous deux, roulent sur des machines interdites de circulation ». Même écho chez Stéphane qui ne manque jamais une manifestation avec sa NC700 : « Le mouvement des gilets jaunes nous a montré qu’il faut malheureusement gueuler pour se faire entendre. Et je suis d’autant plus déterminé à hausser le ton que la création de cette ZFE est une vraie mesure de politique politicienne qui ne tient pas compte de la réalité des gens. »

Motivés
Ce sont donc des motards particulièrement motivés ont pris le départ en direction de la mairie des Lilas. Le cortège escorté par quelques policiers dont certains semblaient partager les inquiétudes de la FFMC – « je roule sur un VFR de 1995, comment je fais pour aller travailler » nous a confié l’un deux – a alors emprunté le périphérique. Les radars croisés sur le parcours ont été redécorés pour l’occasion, allongeant la longue liste des appareils mis hors service depuis le début de la grogne des gilets jaunes. Comme le confiait un policier au Monde « les appareils automatiques de contrôle de vitesse ont été érigés en symbole du racket de l’État ». Un phénomène qui montre à quel point le 80 km/h n’a toujours pas été digéré. À croire qu’il s’agissait bien d’une « connerie » comme l’aurait reconnu Emmanuel Macron lui-même selon des propos rapportés par le maire de Saint-Germain-en-Laye.

Décorations de Noël
Le convoi a marqué un arrêt devant la mairie des Lilas dont le maire Daniel Guiraud est vice-président de la métropole du Grand Paris. L’édifice a été décoré devant des passants plutôt amusés de cette interruption pendant leurs courses de Noël. Re périphérique, redécoration de radars puis arrêt devant le siège de la Métropole du grand Paris dans le 13e arrondissement. Les portes de l’édifice ont été cadenassées avec de solides U et la façade recouverte d’autocollants proclamant « Écologie oui, Punition non ». La manifestation a alors rejoint son point de départ pour se disperser sans heurts. Pour Jean-Marc Belotti, tout sourire, ce rendez-vous est un succès : « Quel plaisir de voir que les gens se mobilisent malgré le froid. Ça prouve bien que les motards ne viennent pas défiler pour le plaisir de la balade mais parce qu’ils savent qu’ils défendent une cause juste ». En attendant la prochaine mobilisation, la FFMC de Paris va demander à rencontrer le maire des Lilas et le président de la métropole afin de défendre la place de la moto en ville et au-delà.

Publicité